Le Conseil des Bibliothèques Urbaines du Canada (CBUC) / Canadian Urban Libraries Council (CULC) définit l’inclusion sociale comme la manière participative, authentique et responsable en vertu de laquelle les institutions soutiennent et renforcent les principes d’accès, d’équité et, en conséquence, d’inclusion sociale pour tous.
En 2006, Betty Ferreira a précisé que l’inclusion sociale est la manière selon laquelle les institutions comprennent et engagent leurs communautés, et explorent, envisagent et défient les obstacles, les valeurs et les comportements. L’inclusion sociale est également définie par la façon dont les institutions élaborent, mettent en œuvre et évaluent les politiques et procédures, offrent un accès équitable aux services et, en fin de compte, démontrent le niveau d’inclusion par le biais de résultats concrets.
Selon Fourie (2007), l’inclusion sociale se rapporte à tous les efforts et politiques visant à promouvoir l’égalité des chances parmi les personnes de toutes les situations et de toutes les catégories exclues socialement. Les situations et les catégories de personnes qui sont le plus souvent liées à l’exclusion sociale sont donc les situations et catégories auxquelles les efforts d’inclusion doivent s’attaquer.
Enfin, au Canada, l’inclusion sociale s’entend d’un concept multidimensionnel qui facilite l’inclusion sur une variété de fronts, notamment :
Selon le concept d’inclusion sociale, les projets qui portent sur l’inclusion sociale devraient donc tenir compte des perspectives et des points de vue des personnes devant être incluses.
Les immigrants d’aujourd’hui font face à de multiples obstacles dans la société canadienne. Nombreux sont caractérisés comme socialement exclus parce qu’ils font face à des obstacles d’exclusion économique dès leur arrivée au Canada. Les adultes connaissent des difficultés à cause de la langue et de la culture différentes; les jeunes doivent relever des défis particuliers, notamment « l’appartenance » à leurs nouvelles communautés et l’incorporation des nouvelles et anciennes façons de faire.
Selon une étude menée en 2006 pour examiner l’Enquête sur la diversité ethnique (EDE) de Statistique Canada, les immigrants canadiens font face à de nombreuses de difficultés supplémentaires. Ils éprouvent des problèmes à faire reconnaître leurs qualifications obtenues à l’étranger, manquent de l’expérience professionnelle canadienne et font souvent l’objet de discrimination sur le marché de travail. D’autres études ont trouvé qu’apprendre une nouvelle langue, se faire des amis, trouver un logement abordable – voire supporter le climat canadien – comme des difficultés courantes.
En l’absence de mécanismes garantissant que les nouveaux arrivants sont convenablement intégrés à leur société nouvellement adoptive, ces groupes peuvent courir un plus grand risque d’être en marge du processus démocratique, se sentir isolés ou être socialement exclus.
Les bibliothèques jouent un rôle dans l’élimination des obstacles auxquels font face les nouveaux immigrants. En plus d’offrir un milieu de jeu et d’apprentissage sûr, les bibliothèques peuvent fournir de l’information et des services gratuits.
L’accès aux ressources gouvernementales, médicales et communautaires, par exemple, représente l’un des services que les bibliothèques peuvent offrir aux immigrants. Les bibliothèques peuvent également offrir un accès libre à des ordinateurs, à des renseignements sur les communautés locales, ainsi que des mises à jour sur les offres d’emploi. Les bibliothèques sont aussi bien placées pour présenter des moyens de surmonter les difficultés d’établissement et de langue, y compris la capacité de fournir une exposition à l’anglais conversationnel et à l’instruction de langue anglaise.
En bref, les bibliothèques publiques peuvent aider à résoudre l’exclusion sociale et à promouvoir l’inclusion sociale.
Comme signalé par Caidi et Allard (2005), l’accès aux renseignements nécessaires est un composant fondamental à la réalisation de l’inclusion sociale des immigrants. Sans cet accès, les immigrants ne peuvent pas faire des choix appropriés ni prendre des décisions informées.
Cet aspect est maintenant connu comme « l’infopauvreté » (Chatman, 1996), une théorie qui cerne les groupes qui ont de la difficulté à obtenir de l’information pour résoudre les problèmes quotidiens de la vie. La théorie suggère qu’il y a une classe « d’infopauvres » dont les membres manquent d’accès à l’information et qui sont caractérisés par leur incapacité à obtenir des renseignements utiles de personnes qu’ils connaissent, d’étrangers, voire de sources ordinaires de l’information, comme les médias (Chatman, 1985, 1987, 1996; Dervin, 1983; Savolainen, 1995; Sligo et Jameson, 2000).
Les immigrants courent le risque d’être infopauvres parce qu’ils sont peu familiers avec le milieu canadien de l’information. De plus, ils ont de petits réseaux sociaux desquels ils peuvent acquérir de l’information.
Hendry (2000) a estimé qu’en 2000, la somme de l’information disponible à la race humaine doublait tous les 16 mois. Cela signifie que seules les personnes qui possèdent une culture informationnelle et des compétences en technologie de l’information et de la communication (TIC) ont accès à la pléthore de sources d’information disponibles. Pendant que la révolution de l’information se poursuit dans le 21e siècle, elle crée indéniablement une nouvelle sorte d’inégalité : les inforiches contre les infopauvres.
Les façons dont les communautés de nouveaux arrivants et d’immigrants trouvent l’information et y accèdent dans des formes compréhensibles et utilisables sont essentielles à leur intégration à la société. La documentation sur le fossé numérique suggère qu’au nombre de ceux courant un risque considérablement plus élevé d’être socialement exclus, figurent les personnes vivant avec des problèmes, comme un revenu bas, un conflit de famille ou des problèmes à l’école. Le fossé numérique inclut aussi les personnes vivant dans des quartiers défavorisés tant dans les centres urbains que les localités rurales (Bureau du Conseil des ministres, 2001, p. 11). Les facteurs de risque sont composés pour les nouveaux immigrants parce qu’ils sont souvent des minorités visibles, vivent dans des quartiers à faible revenu, gagnent des salaires inférieurs et peuvent avoir des enfants à risque plus élevé de difficultés scolaires.
Cela pose un défi pour les bibliothèques publiques d’augmenter leurs efforts dans la promotion de l’inclusion sociale.
Les communications et l’information sont l’élément vital des communautés durables, et les services publics, comme les bibliothèques, sont souvent des conduits importants de l’information et des connaissances.
Les nouvelles itérations du fossé numérique soulignent que l’accès doit être combiné à une compréhension de la façon de se servir efficacement des TIC – autrement dit, information et culture TIC.
Le cadre d’inclusion sociale s’ajuste bien dans cette nouvelle vue du fossé numérique parce qu’il met en évidence la complexité du processus de marginalisation; c’est-à-dire, le fossé numérique est connecté à d’autres systèmes de marginalisation et d’exclusion.
Le fait de s’attaquer à l’inclusion sociale par le biais des initiatives technologiques est devenu une stratégie de formulation de politiques dans différents organismes, notamment les bibliothèques (Council of Administrators of Large Urban Public Libraries of Canada, 2004). Toutefois, les efforts ne se limitent pas à cet aspect. Si nous envisageons le fossé numérique simplement en termes de nantis et de démunis, la politique d’inclusion sociale nécessiterait seulement que nous augmentions l’accès aux TIC parmi les communautés marginalisées. En fait, ce n’est pas seulement que les personnes n’ont pas accès aux TIC, mais aussi qu’elles ne possèdent pas la culture (technique et autre) pour utiliser ces technologies efficacement. Warschauer (2002) appelle ces compétences « pratiques sociales considérables » (section intitulée « Models of Access », paragraphe 4).
De même, Schuler (2001) parle « d’intelligence civique » qui comprend l’accès à un contenu pertinent et utilisable, les aptitudes à utiliser les bibliothèques et les TIC, un milieu positif et des attitudes quant à la convenance, à l’utilité et à la pertinence des bibliothèques et des TIC aux fins de chaque personne.
Utilisée correctement, la technologie de l’information peut accroître les moyens d’action des simples citoyens et de leurs communautés, leur donne la maîtrise de leurs vies professionnelles, leur permet d’exercer pleinement leurs droits et agit comme exutoire pour leur créativité.
Commission des communautés européennes, dans Réseaux pour les personnes et leurs communautés : Tirer le meilleur parti de la société d’information dans l’Union européenne (1996)
Dans leurs recherches sur le rôle des bibliothèques publiques en tant qu’espaces communautaires publics, Leckie et Hopkins ont établi que les bibliothèques représentent un espace où les nouveaux immigrants peuvent s’acclimater à la culture canadienne (Leckie et Hopkins, 2002).
Les participants à leur étude ont trouvé que la bibliothèque était un espace non intimidant et calme ou ils pouvaient « observer » les pratiques sociales canadiennes. Hicken souligne le potentiel des bibliothèques à soutenir les groupes exclus, décrivant la bibliothèque comme un « refuge » qui fournit « un milieu accueillant et non menaçant » (Hicken, 2004, p. 51).
Les bibliothèques sont une ressource communautaire cruciale où les résidants peuvent avoir accès à des renseignements quotidiens essentiels, aux TIC publics, à la formation sur la culture, à du matériel sur les activités de loisir, à des renseignements sur l’établissement et aux programmes communautaires qu’ils ne peuvent pas trouver ni se permettre ailleurs. Selon Hicken (2004), la bibliothèque est souvent le seul endroit où certains groupes exclus peuvent avoir accès à l’information et à l’apprentissage.
(Ministère de la Culture, des Médias et des Sports, Royaume-Uni, 1999)
Des recherches supplémentaires menées par Fisher, Durrance et Bouch Hinton (2004) ont cerné quatre éléments dans la composition de la bibliothèque municipale pour immigrants :
Peu de recherches ont été effectuées sur les jeunes immigrants. Il est crucial de comprendre ce que les communautés socialement exclues, surtout les jeunes immigrants, veulent et désirent des bibliothèques municipales. Il s’agirait d’une étape importante dans la création de bibliothèques appropriées et inclusives qui répondent aux besoins de tous les membres de la collectivité.
Selon le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada (CIC), plus de 60 % des immigrants et 70 % des immigrants récents vivent à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Les jeunes immigrants de première et de deuxième générations – ceux nés à l’extérieur du Canada et ceux nés au Canada de parents nés à l’étranger, respectivement – vivent principalement dans des centres urbains (Anisef et coll., 2005). Plus d’un tiers des jeunes immigrants âgés entre 15 à 29 ans sont des Canadiens de première génération résidant à Toronto et à Vancouver (Anisef et coll., 2005).
Plus particulièrement, le CIC rapporte qu’environ trois quarts d’un million de nouveaux enfants et jeunes immigrants, se sont établis au Canada au cours de la décennie passée. Environ 50 % viennent de l’Asie et de la région du Pacifique, 20 % de l’Afrique et du Moyen-Orient, 15 % de l’Europe et du Royaume-Uni, 10 % de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale et moins de 5 % des États-Unis (CIC, 2007). L’Ontario reçoit la plus grande part de ces jeunes immigrants, plus de la moitié de tous les nouveaux arrivants s’établissant dans la province. L’Ontario est suivi de la Colombie-Britannique, qui en reçoit un peu moins de 20 % (Anisef et coll., 2005).
Les bibliothèques municipales urbaines servent une grande proportion d’immigrants et de jeunes immigrants, et sont engagées à leur offrir des services pertinents.
L’étude de cas suivante explore les pratiques d’information de jeunes Soudanais à London, Ontario. Elle a été effectuée dans le cadre d’une recherche communautaire (RC), une pratique qui peut servir à rehausser l’inclusion sociale. Définie comme recherche concertée entreprise dans des communautés pour promouvoir des changements au niveau de la communauté, les projets de RC sont généralement orientés vers l’action et visent à apporter des changements réels au moyen de pratiques et politiques locales et régionales (Wellesley Institut, 2007).
Silvio (2006) explore les pratiques d’accès à l’information des jeunes Soudanais à London (Ontario) et conclut que leurs besoins le plus généralement cités incluent l’information sur l’éducation, la santé, l’emploi, la politique et la façon de faire face au racisme (2006, p. 263).
Selon Silvio, la plupart des jeunes Soudanais préfèrent les sources informelles facilement accessibles, comme les amis, la famille et les collègues en qui ils ont confiance. En général, « ils sont très sceptiques de l’information reçue par la radio, la télévision, Internet et d’autres médias. » (2006, p. 263). Ils se méfient aussi des agences gouvernementales, bien que cette méfiance ait tendance à diminuer au fil du temps. Bien que Silvio n’en explique pas la raison, l’on peut supposer que le climat politique de guerre civile peut avoir poussé les jeunes Soudanais à être soupçonneux des personnes et organismes avec lesquels ils ne sont pas familiers.
Cette conclusion illustre comment le contexte social et culturel joue un rôle important dans la façon dont une personne trouve et évalue l’information. Elle illustre aussi le rôle que la bibliothèque peut jouer et souligne le fait que les jeunes ont des besoins d’inclusion sociale et d’information particuliers.
Voici quelques obstacles auxquels font face les jeunes immigrants au Canada :
Voici cinq obstacles auxquels fait face une bibliothèque municipale pour créer un lieu de travail inclusif :
Les recherches suggèrent que le degré auquel un organisme est inclusif se rapporte souvent directement à la priorité que l’équipe de direction donne à l’inclusion. Les auteurs de Inside Inclusiveness: Race, Ethnicity and Non-profit Organizations (2003) précisent que « le chef de la direction de l’organisme établit presque toujours le niveau d’engagement, l’attitude, le rythme et les comportements relatifs aux pratiques d’inclusion générales de l’organisme. »
Le chef de la direction doit être un promoteur interne.
L’information reçue de la communauté constitue les renseignements et commentaires nécessaires pour que la bibliothèque puisse adapter ses stratégies et pratiques afin d’éliminer les obstacles à l’inclusion qui ont été éprouvés par les groupes communautaires locaux.
La communauté doit être un partenaire.